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Les métiers du manga #3 : le traducteur

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Sans eux, tu ne pourrais pas lire tes mangas préférés en français. Mais quelles sont les qualités nécessaires pour être un bon traducteur ? Otaku Manga a rencontré Fédoua Lamodière pour en savoir plus sur ce métier qu’elle pratique depuis plus de vingt ans…

Tu peux découvrir les deux premiers épisodes déjà publiés sur ce site : le lettreur et le scénariste.

Il faut un début à tout

Si tu peux lire aujourd’hui Dragon Ball, Sailor Moon, Card Captor Sakura ou Jujustu Kaisen en français, c’est grâce à elle ! Pour Fédoua Lamodière, tout a commencé avec l’œuvre d’Akira Toriyama : « J’étais déjà fan de BD quand les mangas sont arrivés en France. J’ai instantanément craqué pour Dragon Ball, et j’ai voulu devenir mangaka. J’étais jeune et naïve, et ma première idée a été : je vais apprendre le japonais, partir au Japon, et être éditée là-bas ! (rires) ». À l’aise avec les langues vivantes, la jeune femme intègre alors l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO). C’est là que tout commence pour elle : « Une camarade qui travaillait chez Glénat m’a proposé un remplacement, et j’ai fait ma première traduction sur quelques chapitres de Pikachu Adventures. De fil en aiguille, j’ai fait plus de remplacements, jusqu’à obtenir ma première série à traduire en intégralité, RAVE de Hiro Mashima ».

Fédoua découvre alors les spécificités de la traduction de manga : « À l’INALCO, on traduisait des textes classiques, ou des articles de presse. Pour le manga, ce sont des dialogues, de la langue orale. Il faut travailler pour que le résultat soit assez littéraire pour ne pas paraître pauvre, mais il faut qu’on entende les personnages parler. C’est un des avantages du manga : on voit le langage évoluer, et on travaille le langage actuel, celui des jeunes comme celui de la rue. »

Tu parles, Charles-san

Cette évolution permanente de la langue japonaise offre le plus de plaisir à Fédoua, qui rappelle une distinction cruciale dans sa profession : « La traduction, c’est le fait de mettre un texte du japonais en français, quasi mot à mot ; alors que l’adaptation, c’est reformuler ce texte en bon français, de manière fluide. Dans le manga, nous sommes souvent des traducteurs/adaptateurs, qui font ces deux phases en même temps. Ce qui me plaît le plus dans ce métier, c’est l’adaptation : même si j’aime les langues étrangères, c’est travailler le français qui me procure le plus de plaisir. Faire ressortir les différents registres de langage selon les personnages, ceux qui parlent poliment ou comme des charretiers, c’est un des aspects de mon métier qui m’intéresse le plus. Tout comme travailler les jeux de mots, aussi ! Souvent en japonais, les jeux de mots sont basés sur l’homophonie. En français, les mots ne se prononcent pas du tout de la même manière, et il faut parfois s’éloigner du texte original. »

C’est l’occasion pour la vétérane de fournir un conseil important à ceux qui voudraient se lancer dans le milieu : « On pense, aux débuts, qu’il faut coller le plus possible au texte original mais on réalise, au fil des années et de l’expérience, que pour être fidèle à l’intention de l’auteur, il faut s’éloigner du texte. C’est pour ça que, selon moi, il faut un bon niveau de japonais pour traduire mais avant tout, être irréprochable en français. Il faut travailler son style et sa grammaire. Car le lecteur français aura ton texte sous les yeux, sans rien connaître du texte japonais. »

pilgrim

Du haut de son expérience, Fédoua peut aujourd’hui « traduire un tome en trois à quatre jours », ce qui lui laisse du temps pour accomplir son rêve d’origine : dessiner son propre manga. Elle vient de franchir le cap avec Pilgrim, qu’elle vient d’auto-éditer. Elle connaît ainsi tous les rouages du manga, mieux que la plupart des professionnels français… et japonais !

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