Les métiers du manga #2 : scénariste, l’art délicat de faire rêver le lecteur
Après le métier de lettreur, Otaku Manga continue d’explorer les différents métiers du manga avec le difficile métier de scénariste.
Après s’être fait la main dans le fanzinat, Guillaume Dorison scénarise depuis 2006 des mangas en tant que professionnel. Le créateur d’Ayakashi, Omega Complex ou, actuellement, Talento Seven, partage son expérience pour les lecteurs d’Otaku Manga !
Cet article a été publié dans le n°2 du magazine Otaku Manga.
De l’imagination, mais pas seulement
Tous les dessinateurs vous le diront : il faut travailler sans cesse ses techniques pour devenir doué dans le domaine. Pour un scénariste, c’est pareil ! « Beaucoup de personnes pensent que parce qu’ils chantent sous la douche, ils peuvent chanter. Tout le monde se croit scénariste, alors qu’ils n’ont pas travaillé. On ne devient pas chirurgien sans formation. Il ne suffit pas d’avoir une bonne histoire à raconter, il faut avoir des techniques, des structures. » Et, pour acquérir ces structures, selon Guillaume, il n’y a pas de secret : il faut élargir sa culture générale ! « Il faut lire un maximum de romans, de BD, et pas uniquement du manga ; regarder des films, des séries ; des œuvres récentes et des classiques… afin d’analyser les structures, les procédés d’écriture. 75% du travail du scénariste, c’est l’extension du domaine de la culture, la recherche de documentation. Et 25% c’est de l’écriture.»
Mais à trop regarder les œuvres des autres, ne risque-t-on pas de les copier ? « Au contraire ! On fait souvent de la copie involontaire : on a une bonne histoire qu’on croit originale, sans savoir qu’elle a déjà été faite. Et le principe de la création, c’est redécouvrir ce qu’on a appris dans notre culture, et y apporter quelque chose de nouveau. Avatar, c’est Danse avec les loups dans l’espace. Titanic, c’est Roméo et Juliette sur un bateau. Est-ce que James Cameron a copié ? Non. C’est la même structure narrative, mais pas la même histoire. Kishimoto n’a pas copié sur Dragon Ball en créant Naruto. Si on analyse Demon Slayer, chaque scène, chaque personnage, a déjà existé… mais jamais dans ce contexte ! » La tâche te semble trop difficile ? Guillaume a un conseil pour toi, la lecture de Story de Robert McKee « la bible pour tout scénariste » !
Mettre les mots en images
Une fois son scénario établi, il faut le transposer en dessin. Et, selon Guillaume, « il y a autant de manières de collaborer que de dessinateurs. Certains ont besoin de consignes claires qu’ils respecteront à la ligne, comme des acteurs face à un réalisateur. Dans d’autres cas, c’est l’inverse : le scénariste fournit un script à partir duquel le dessinateur fait ce qu’il veut, prenant la direction de l’ouvrage. Le plus souvent, je livre un script détaillé mais je laisse une marge de manœuvre au dessinateur. Par exemple, sur Talento 7, je fournis seulement 34 ou 36 pages sur les 40 d’un chapitre à Kalon ; comme ça elle a la liberté de rajouter ce qu’elle veut, de changer la mise en scène. Mais dans tous les cas, c’est le dessinateur qui doit avoir le dernier mot. »
Se jeter à l’eau
Avec ses quinze ans d’expérience, Guillaume tient à partager un ultime conseil qui lui tient encore à cœur aujourd’hui : « Quel que soit son niveau, un scénariste doit expérimenter et se planter. C’est comme au tennis. Tu peux t’entraîner toute ta vie mais le meilleur moyen de progresser, c’est de faire des matches… et de les perdre au début. Tu peux écrire toute ta vie, mais si tu ne te confrontes pas aux retours du public, tu ne progresseras pas. Trouve un pote dessinateur, créez ensemble, publiez gratos sur Internet, et prenez en compte les remarques du public ! »
Guillaume scénarise actuellement le manga Talento 7,
dessiné par Kalon, aux éditions Kana.