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La France dans les mangas (dossier spécial)

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Les mangakas, fascinés par la France, y glissent plusieurs aspects de son patrimoine. Lesquels ? Comment ? Découvrons ensemble la façon dont les auteurs japonais perçoivent notre pays !

Un dossier spécial publié dans le n°3 du magazine Otaku Manga, publié en mars 2023.

Le pont des arts

Pendant plus de deux siècles, durant l’époque Edo (1603–1868), le Japon était coupé du reste du monde. Tout bascule pendant l’ère Meiji (1868–1912) ! Le pays s’occidentalise et fait des progrès fulgurants dans de nombreux domaines : agriculture, industrie, économie, et surtout, échanges commerciaux avec les USA et l’Europe.

Un jalon particulièrement important de cette évolution est l’Exposition Universelle de Paris en 1878. À cette occasion, la France découvre l’art et la culture venus de l’archipel… et réciproquement ! Kan Takahama, à travers La lanterne de Nyx, évoque comment les Japonais se passionnent pour le savoir-faire made in France, mais aussi comment ils font connaissance du pays avec la venue de son héroïne Miyo à Paris. C’est également le sujet d’un manga étrangement inédit chez nous, Ikoku meiro no croisée, ou l’histoire d’amitié entre Yune, ado japonaise, et Claude, jeune ferronnier, dans le Paris de la fin du 19e siècle.

lanterne nyx

  • La lanterne de Nyx revient sur les premiers échanges entre la France et Japon : économiques, culturels mais aussi… amoureux !

verger de pruniers

Le savais ‑tu ?
Cet engouement pour l’art japonais entre 1850 et 1900 a donné naissance à un mouvement artistique : le japonisme. Parmi les peintres qui y ont contribué, Edgar Degas, Édouard Manet, Claude Monet ou encore Vincent Van Gogh auraient été eux aussi fans de mangas aujourd’hui ! Pour son tableau Verger de pruniers, Van Gogh s’est inspiré d’une estampe de Hiroshige.

Leçons d’histoire

Durant l’ère Meiji, le Japon rattrape son retard technique et culturel sur l’Occident, mais aussi historique. Les Nippons apprennent l’histoire du monde extérieur, et notamment de la France, qui les fascine. Deux figures historiques majeures s’imposent au fil des décennies dans leur inconscient collectif, et inspireront de nombreuses œuvres de fiction.

jeanne d arc

Tout d’abord Jeanne d’Arc. Outre des biographies dessinées par Chihiro Tamaki (Jeanne d’Arc), ou par Yasuhiho Yoshikazu (Jeanne), elle a inspiré des personnages dans des séries totalement fictionnelles. On la retrouve ainsi dans Fate/Zero sous les traits de Saber, ou réincarnée en chasseuse de démons dans le shôjo Kamikaze Kaito Jeanne. Enfin, sa mort est souvent citée dans la Guerre de Cent Ans alternative peuplée de dragons et de sorcières, toile de fond de Maria, sorcière de gré, pucelle de force !

L’autre grande figure historique n’est pas française, mais autrichienne ! Il n’empêche : Marie-Antoinette fait tourner la tête des Japonais, et surtout des Japonaises ! Là encore, la reine aura eu droit à des biographies fidèles à l’Histoire, comme Marie-Antoinette – La jeunesse d’une reine de Fuyumi Soryo. Mais c’est surtout à travers La rose de Versailles que l’aura de son personnage a imprégné la popculture nippone. D’ailleurs, c’est majoritairement la période entre 1780 et 1880 (pas si éloignée de l’ère Meiji) qui inspirera les artistes japonais. La Révolution, bien entendu, avec notamment Innocent, qui suit le parcours du bourreau Charles-Henri Sanson (un titre à réserver aux plus grands) mais aussi le Premier Empire, à travers les biographies Napoléon et Joséphine impératrice !

Pour préparer une interro sur Jeanne d’Arc, on peut réviser ses cours… ou lire un manga !

Les belles lettres

Une autre porte d’accès à la culture française est sa littérature. Étudiés à l’école, les grands classiques s’intègrent peu à peu dans la
culture nippone, au point de devenir, dans les années 1970 et 1980, un terrain de jeu pour l’industrie de l’animation alors en plein essor.
Sans surprise, une bonne partie de ces productions furent diffusées à la télévision française : Le tour du monde en 80 jours, Rémi
sans famille, Belle & Sébastien… Alexandre Dumas inspirera même plusieurs adaptations de son chef‑d’œuvre : Les trois mousquetaires avec des héros animaux, et Sous le signe des mousquetaires !

lupin

Cependant, les artistes japonais ne se contentent pas de transposer respectueusement l’œuvre originale sur un autre support. Dumas est, là encore, un parfait exemple puisque le Comte de MonteCristo a donné une œuvre de science-fiction avec Gankutsuou !

Mais celui qui vole les cœurs de plusieurs générations de Japonais reste Arsène Lupin. Ou plutôt, son petit-fils, Lupin III ! Créé en 1967 par Monkey Punch, le personnage reviendra pendant plus d’un demi-siècle sur les écrans, à travers de multiples saisons : la cinquième se passe d’ailleurs en France, en hommage à ses racines. Ce qui n’empêchera pas d’autres artistes d’adapter avec fidélité l’œuvre de Maurice Leblanc, comme le fait Takashi Morita depuis 2013.

Comme le dit si bien sa bande originale, Lupin III en France, c’est si bon !

À table !

S’il est un domaine dans lequel Français et Japonais se retrouvent, c’est bien la gastronomie ! Pourtant, nos philosophies sont opposées. La cuisine nippone cherche à mettre en avant les qualités premières de ses produits : le sushi, pièce de poisson cru posée sur du riz, en est le parfait exemple. À l’inverse, la cuisine française travaille les produits pour trouver un équilibre entre plusieurs goûts. Cette technique méduse les Japonais, au point de leur inspirer des mangas culinaires. Ainsi, Food Wars s’est offert une déclinaison 100 % française avec Food Wars – L’étoile, qui voit Kojiro Shinomiya tenter, à 18 ans, d’ouvrir son restaurant sur les Champs-Élysées. Dans une veine plus réaliste, Artiste – Un chef d’exception suit la formation de Gilbert, un plongeur à l’odorat surdéveloppé qui grimpera petit à petit les échelons dans une brigade de restaurant malgré les crasses d’un de ses supérieurs.

ajikko

Le savais tu ?
Dans le manga Mister Ajikko (alias Le petit chef en France), des cuisiniers renommés s’affrontent dans des tournois culinaires, qui ont inspiré en 1993 une émission TV au Japon, Iron Chef. Celle-ci a été adaptée dans plusieurs pays, dont la France, sous le titre… Top Chef !

Et quoi de mieux, pour accompagner un succulent banquet, qu’un vin de choix (à consommer, bien sûr, avec modération)? La fascination des Japonais pour nos vignobles a donné naissance à des mangas introduisant les subtilités de l’univers du vin. Ainsi, Les Gouttes de Dieu a été reconnu en 2009 « meilleur livre au monde sur le vin » ! Sommelier, de son côté, va jusqu’à expliquer l’art et la manière d’utiliser un tire-bouchon, et fait voyager les Japonais grâce à ses décors parisiens identifiables au premier coup d’œil.

L’art de vivre

Si la France fascine les Japonais, leur connaissance du pays se résume pourtant à deux endroits : le Mont Saint-Michel, et Paris ! La capitale est donc le lieu privilégié pour faire voyager les héros d’une série, comme ceux de Nodame Cantabile qui perfectionnent leur talent musical pendant tout un arc ! Le quatuor de Blue Giant Supreme y fera également un passage pour une performance jazz exceptionnelle.

Si Paris impressionne autant, c’est aussi pour son architecture. Elle a inspiré Jun Mochizuki pour Les mémoires de Vanitas, dont l’intrigue se déroule dans un Paris alternatif du 19e siècle, peuplé de vampires et de vaisseaux aériens. Incontournable des touristes nippons, le musée du Louvre est allé encore plus loin, en ouvrant leurs portes à de grands mangakas pour des collaborations insoupçonnées ! Les œuvres de Jiro Taniguchi, Taiyou Matsumoto Hirohiko Araki ou encore Naoki Urasawa rappellent ainsi que le manga est un art… et que le musée, ouvert en 1793, affiche une modernité rare et une ouverture à des cultures inattendues.

De là à penser que l’art de vivre à la française est toujours raffiné et délicat, il n’y a qu’un pas… qu’on ne franchira pas ! Les témoignages hilarants d’auteurs Japonais expatriés dans la capitale comme Jean-Paul Nishi (À nous deux, Paris) ou Rina Fujita (Un pigeon à Paris) nous donnent une leçon d’humilité… mais toujours avec tendresse. Après tout, qui aime bien châtie bien !

La France dans les mangas bibliographie

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